Pourquoi il est si difficile d’appeler à un cessez-le-feu au Proche-Orient ?

Les habitants du camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, tentent de sortir des survivants des décombres après une frappe israélienne hier. ©AFP - MAHMUD HAMS / AFP
Les habitants du camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, tentent de sortir des survivants des décombres après une frappe israélienne hier. ©AFP - MAHMUD HAMS / AFP
Les habitants du camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, tentent de sortir des survivants des décombres après une frappe israélienne hier. ©AFP - MAHMUD HAMS / AFP
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Les pays occidentaux hésitent à appeler au cessez-le-feu de peur d’entraver le droit de se défendre qu’ils reconnaissent à Israël. Mais ils suscitent l’accusation de « double standards » des pays du Sud qui sont choqués par la violence des bombardements de Gaza.

Lundi dernier, à la veille du départ d’Emmanuel Macron au Proche-Orient, l’Élysée avait fait savoir que le Président plaiderait en Israël en faveur d’une « pause humanitaire » dans les combats dans la bande de Gaza. Cette « pause », espérait-on, pourrait permettre la libération des otages détenus par le Hamas, et ouvrir la voie à un véritable cessez-le-feu.

Mais dans toutes ses prises de parole au cours de sa tournée, le président français n’a pas appelé à cette trêve, même s’il a demandé le respect du droit humanitaire international et plaidé pour épargner les civils. C’était d’autant plus troublant qu’au même moment, la première ministre Elizabeth Borne en faisait la demande à la tribune de l’Assemblée nationale. Comme si on avait oublié de la prévenir du changement.

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Pourquoi la « pause humanitaire » a-t-elle disparu de l’agenda ? C’est, de fait, devenu un sujet de discorde international, qui divise les 27 membres de l’Union européenne, réunis depuis hier à Bruxelles pour en parler. Ca provoque la colère de la société civile internationale, qui ne comprend pas les hésitations alors qu’un tapis de bombe s’abat sur les civils de Gaza.

Au centre du débat, le droit d’Israël à se défendre après l’attaque terroriste du 7 octobre qui a fait 1400 morts. L’État hébreu veut garder les mains libres pour mener sa guerre comme il l’entend contre le Hamas, y compris au risque d’infliger un châtiment collectif aux plus de deux millions d’habitants de Gaza.

Même ceux qui trouvent qu’Israël va trop loin dans ses bombardements, dans la privation d’eau et d’électricité, ou dans les obstacles placés à l’aide humanitaire aux victimes de ces représailles, hésitent à se prononcer publiquement en raison du traumatisme du 7 octobre. Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne, pour des raisons historiques, bloque ce qui peut déplaire à Israël : le compromis à 27 hier soir a fait le service minimum, rien de plus. Quant à l’ONU, elle est paralysée par les vétos respectifs des puissances rivales.

Dans la réalité, les États-Unis sont les seuls à avoir de l’influence sur Israël ; eux-seuls pourraient appeler efficacement à un cessez-le feu. Les États-Unis livrent des armes, ils ont déployé une armada considérable dans la région pour dissuader l’Iran et les forces qu’il contrôle de se lancer dans une escalade régionale.

Joe Biden avance à pas mesurés. Il demande le respect du droit de la guerre, s’agace contre les colons de Cisjordanie, et semble agir en privé pour freiner l’offensive terrestre sur Gaza ; mais il ne demande pas de cessez-le-feu.

Cette réticence occidentale à s’engager pour un arrêt des combats est perçue dans une partie du monde comme un alignement sur l’État hébreu, alimentant le procès en « doubles standards » qui va croissant. Symbole de ce procès, l’écho qu’a reçu le cri du cœur de la Reine Rania de Jordanie sur CNN, accusant l’Occident de ne pas mettre sur le même plan les morts israéliens et palestiniens.

Ce manque d’empressement incompréhensible à demander l’arrêt des combats, ne serait-ce que pour permettre d’apporter de l’aide humanitaire aux civils, laissera des traces. Il creuse un peu plus le fossé entre l’Occident et une partie du Sud, dans un contexte de fragmentation du monde.

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