Détournement de fonds publics au Parlement Européen : François Bayrou et le MoDem en procès

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Détournement de fonds publics au Parlement Européen : François Bayrou et le MoDem en procès

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François Bayrou lors de la rentrée du MoDem le 1er octobre 2023 à Guidel
François Bayrou lors de la rentrée du MoDem le 1er octobre 2023 à Guidel
© AFP - Fred TANNEAU

François Bayrou et dix autres anciens députés et cadres du parti, sont jugés devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir reversé des fonds attribués par le Parlement Européen pour la rémunération des assistants parlementaires, dans les caisses du MoDem.

L'enquête du Parquet national financier avait débuté en 2017 sur une dénonciation de l'ancienne députée européenne du FN Sophie Montel, dont la formation était elle-même sous le coup d'une procédure judiciaire pour des soupçons du même ordre. Cette dénonciation a très vite été recoupée par des témoignages émanant directement des rangs du MoDem. Ainsi, la députée européenne Corinne Lepage a évoqué l'existence d'emplois fictifs, et d'ancien communicants de l'UDF puis du MoDem, Quitterie de Villepin et Mathieu Lamarre ont révélé à leur tour avoir travaillé pour le mouvement en étant rémunéré en qualité d'assistant parlementaire. En juillet 2017, le PNF a ouvert une information judiciaire entrainant la démission des trois ministres MoDem du premier gouvernement du Président Macron, dont le ministre de la Justice, François Bayrou, après seulement 35 jours de fonction Place Vendôme, alors qu'il venait de présenter le premier projet de loi du quinquennat, sur la moralisation de la vie démocratique.

"Les questions d'argent, le président, ça ne l'intéresse pas"

Très vite, les enquêteurs de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières, l'OCLICIFF, procèdent à des perquisitions et des auditions qui aboutissent à la mise en examen de 14 députés, assistants parlementaires et cadres du parti, parmi lesquels Michel Mercier, Jean-Luc Bennahmias, Sylvie Goulard, Nathalie Griesbeck et Marielle de Sarnez - décédée en 2021. Les éléments recueillis permettent d'évaluer le montant des détournements de ce "système frauduleux" à 1,4 millions d'euros sur une période de 12 ans, entre 2005 et 2017.

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Mais à l'issue des analyses approfondies, les juges d'instruction retiendront au terme de leur enquête, en mars 2023, une somme nettement moins élevée, avoisinant les 250 000 euros, "soit 0,5% des charges du parti" relève la défense, soulignant ainsi la faiblesse du bénéfice qu'aurait rapporté ce prétendu détournement destiné, selon les magistrates, à compenser "les difficultés budgétaires rencontrées par le parti".

La défense de François Bayrou note également que l'instruction n'a jamais établi qu'il ait été formellement informé des conditions dans lesquelles les finances du mouvement était gérées, soutenu en ce sens par les dépositions du directeur financier du MoDem, Alessandro Nardella, qui relève avec malice que "les questions d'argent, le président, ça ne l'intéresse pas vraiment, c'est un paysan". Pourtant, dans leur ordonnance marquant la fin de leur instruction en mars 2023, les juges soulignent que "François Bayrou a nécessairement joué un rôle central" dans "un tel système" frauduleux, mis en place pendant autant d'années, son statut de chef du parti le rendant de fait responsable des mouvements financiers qui s'y opèrent. De même, les magistrats retiennent le "rôle décisionnel" de l'ancien trésorier du mouvement, Michel Mercier - lui aussi ancien ministre de la Justice de 2010 à 2012 et définitivement condamné en janvier dernier à trois ans de prison avec sursis pour l'emploi de son épouse en qualité d'assistante parlementaire au Sénat.

Une atteinte à la probité de l'institution, selon le Parlement européen

Pour le Parlement Européen, partie civile dans la procédure, peu importe le volume des sommes au centre d'un détournement. Il s'agit d'argent public et donc, par principe, d'une atteinte à la probité de l'institution à laquelle chaque élu est tenu de rendre des comptes. Son avocat, Maître Patrick Maisonneuve, note d'ailleurs que certains mis en cause, comme l'ancienne députée Sylvie Goulard - qui a finalement bénéficié d'un non lieu à l'issue de l'instruction - a remboursé les sommes que le Parlement Européen lui réclamait dans le cadre du règlement administratif de ce dossier. Et que cette démarche devrait constituer une reconnaissance de culpabilité à laquelle les prévenus pourraient se soumettre.

François Bayrou se dit "combatif" pour ce procès dont l'accusation est selon lui bâtie sur "des rumeurs et des calomnies". Un procès au terme duquel il risque, outre une peine principale de prison et d'amende, une peine complémentaire qui le rendrait inéligible pour plusieurs années, lui qui tient à "tout faire pour que le centre l'emporte" à l'élection présidentielle de 2027.

Pendant ce temps, la justice est également saisie de ces mêmes faits de détournement de fonds publics européens pour d'autres formations. Le Rassemblement National saura avant la fin de l'année si 27 députés, assistants parlementaires et cadres du mouvement seront renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris, comme le parquet l'a requis en septembre dernier. Un troisième dossier, visant LFI, est à l'enquête depuis cinq ans, aucune mise en examen n'a encore été prononcée.

Le procès du MoDem démarre ce lundi 16 octobre à 13h30, devant la chambre 11-1 du tribunal correctionnel de Paris. Il s'achèvera le mercredi 22 novembre, à l'issue de 17 demi-journées d'audience chaque lundi, mardi et mercredi après-midi.

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