Avec l'ordinateur, le mariage technoscientifique du siècle : épisode • 4/4 du podcast Mettre le monde en équation

L'IBM Personal Computer AT est lancé en août 1984 ©Radio France - Sarah Debris-Erny
L'IBM Personal Computer AT est lancé en août 1984 ©Radio France - Sarah Debris-Erny
L'IBM Personal Computer AT est lancé en août 1984 ©Radio France - Sarah Debris-Erny
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Dès 1947, le mathématicien et ingénieur Claude Shannon pressent que le transistor est l'aube d'une révolution de société. L’union des équations différentielles et des ordinateurs est un fait historique et géopolitique. Elle enfantera, entre autres, le premier pas sur la Lune.

Avec
  • Cédric Villani Mathématicien français et ancien député, médaillé Fields en 2010

Un soir de décembre 1947, sur la côte Est des États-Unis. Claude Shannon écrit une lettre à un proche. Il est l’un des très rares à avoir eu le droit de voir l’étrange dispositif mis au point par ses collègues des Bell Labs, John Bardeen, Walter Brattain et William Shockley : un savant assemblage de métaux bien choisis, qui permet d’amplifier ou d’atténuer un signal électrique. "Je considère cela comme, très certainement, l’invention la plus importante des cinquante dernières années", écrit-il.

L'invention du transistor

Shannon n’est pas homme à parler à la légère. À 31 ans, c’est l’ingénieur vedette des Bell Labs, le laboratoire de recherche d’AT&T, la plus grande entreprise de téléphonie au monde. Mathématicien autant qu’ingénieur, Shannon publiera dans quelques mois l’article légendaire qui fondera la théorie de l’information : A Mathematical Theory of Communication. Et ce qu’il a eu le privilège de contempler ce jour-là, c’est l’objet technologique le plus emblématique du 20e siècle : le transistor, la brique de base de toute la révolution informatique.

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Bill Gates dira un jour : "Si je pouvais voyager dans le temps, ma première étape, ce serait d’aller en décembre 1947 aux Bell Labs". Car dans le petit dispositif conçu par les ingénieurs, il y a, en germe, une toute nouvelle génération de machines à calculer.

À écouter : La saga du numérique : de la machine à calculer à l’invention du transistor
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L'union des équations différentielles et de l’ordinateur

Le  21 juillet 1969, le monde entier retient son souffle quand Armstrong marche sur la Lune. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité… Encore aujourd’hui, l’une des grandes fiertés des États-Unis. Mais surtout, derrière l’exploit, il y avait aussi la résolution informatique des équations de  Newton… Sans ordinateur et sans équations différentielles, il n’y avait ni fusée, ni petit pas, ni gloire !

Ce petit pas glorieux n’aurait pas été possible sans les experts, et surtout les expertes, en maniement des calculateurs électroniques. Héritières des femmes qui jadis calculaient à la chaîne, dans d'immenses bâtiments, sur des machines mécaniques, cette nouvelle génération de femmes ingénieures est entrée dans l’histoire.

Katherine Johnson était l’une de ces figures. Née en 1918 dans l’Amérique de la ségrégation raciale, surdouée en mathématiques, elle a 20 ans quand elle entre à l’Université de Virginie-Occidentale : ils ne sont que trois étudiants afro-américains, dans toute la Virginie, à être admis.

En 1953, elle est recrutée par la NASA dans un groupe de femmes calculatrices, qu’elle surnomme les "ordinateurs avec des jupes". La sûreté de ses calculs, son aisance en géométrie analytique lui permettent de gravir les échelons, d'assister à maintes réunions techniques qui n’avaient jamais vu la moindre femme, et enfin de devenir un pilier de l’organisation. Les astronautes des débuts demandent, pour leur sûreté, que Katherine Johnson vérifie elle-même les calculs des premiers ordinateurs. Quand  Neil Armstrong fait son pas en pleine lumière, elle l’a assisté dans l’ombre… Et ce n’est que quarante-six ans plus tard qu’une médaille prestigieuse, remise par le Président des États-Unis, la récompensera ! Récompensant aussi au passage le mariage des équations différentielles et des ordinateurs.

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