Dans cet épisode du podcast "Israël-Palestine, les mots de la guerre", la sociologue Sylvaine Bulle dresse le portrait des Palestiniens, traversés par un rêve d’unité et de fortes disparités.
- Sylvaine Bulle Sociologue, chercheuse à l'EHESS et professeure de sociologie à l'ENSA de Paris Cité
Dans ce podcast "Israël-Palestine, les mots de la guerre", des spécialistes analysent les mots qui permettent d'éclairer le conflit israélo-palestinien. Sylvaine Bulle, professeure de sociologie à l'ENSA Paris-Val de Seine et autrice de Une sociologie de Jérusalem (La Découverte, 2020), précise qui sont, dans l'histoire et de nos jours, les Palestiniens.
Une histoire qui remonte à l’empire ottoman
Sous l’empire ottoman, une “petite Palestine” est présente, essentiellement à Jérusalem, rappelle Sylvaine Bulle. Par la suite, la Palestine mandataire amène “une présence internationale qui rompt un équilibre ontologique, existentiel. Les Palestiniens étaient des paysans, très proches de la terre. Les Anglais et les Juifs apportent un autre pan culturel, pour ne pas dire civilisationnel.” Avec la création de l’État d’Israël, on entre de plain-pied dans une guerre d'appartenance, d'ancrage, d'identité. La lutte palestinienne est une lutte pour le territoire.”
Une entité très forte
Le mot “palestinien” signifie d'abord une entité très forte de sens pour le peuple palestinien, explique Sylvaine Bulle. “Il veut dire unité du peuple, unité de la Palestine au-delà de sa fragmentation, unité de la rive du Jourdain à la Cisjordanie.”
Cependant, au-delà de cette unité sémantique forte, il y a, observe-t-elle, de très grandes différences, par exemple, entre les Palestiniens du sud, les Gazaouis, qui sont plutôt égyptiens, et les Palestiniens du nord, qui sont plus levantins. Les disparités sont également très fortes, selon l'endroit où ils vivent, en termes de citoyenneté et de statut juridique. “Mais tous et toutes sont liés par ce sentiment d'appartenance au peuple palestinien et à une lutte d'émancipation pour la Palestine.”
La diaspora
Cette espérance d’un Etat palestinien est portée par une importante diaspora répartie entre Israël, Gaza, la Cisjordanie, les pays de la région (Jordanie, Liban, Egypte), mais aussi en Europe, au Canada et en Amérique Latine.
Il y a “un écartèlement des Palestiniens”, affirme Sylvaine Bulle. Ceux qui vivent en Israël sont "très imbriqués avec la société israélienne et ont une citoyenneté nationale, même s'ils se considèrent avant tout mentalement, symboliquement, comme Palestiniens."
Dans les pays d’exil, comme en Jordanie, où près de 50 % de la population sont des Palestiniens, certains sont également bien intégrés, tandis que les flux de réfugiés ont des droits extrêmement limités. “Les scissions internes y sont très fortes”. En Amérique latine, beaucoup de Palestiniens sont médecins, avocats, ils connaissent “une ascension sociale par l’exil”, comme en Allemagne et au Canada. Ce qui renforce les fractures au sein du peuple palestinien.
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